Exode urbain : y a-t-il un effet télétravail ?

Depuis 2020, le thème de l'exode urbain fait couler beaucoup d'encre. Après la grande pandémie, l'essor du télétravail accélère-t-il ce phénomène ?

Exode urbain : y a-t-il un effet télétravail ?
Photo : Chris Liverani / Unsplash

Rappelez-vous 2020

2020, ça n'est pas très loin, et pourtant... La grande pandémie, la crise sanitaire, elles, paraissent déjà bien loin.

Rappelez-vous. À l'annonce des confinements, de très nombreux urbains passés subitement au 100 % télétravail quittaient les grandes villes, préférant passer ces périodes dans un cadre plus agréable :

  • à la mer, à la montagne, à la campagne, dans une petite ville ou un village,
  • dans leur résidence secondaire pour les plus chanceux,
  • chez des proches, amis ou famille,
  • parfois même dans un hébergement disponible en location touristique.

Les données des opérateurs téléphoniques notamment avaient permis de se faire une idée de l'ampleur de ce phénomène d'exode urbain. Ainsi, en mars 2020, en une semaine, plus d'un million de personnes auraient quitté la région parisienne, soit 17 % de la population.

Cet exode urbain n'était bien sûr le plus souvent que temporaire. À la fin des périodes de confinement, les urbains revenaient chez eux.

Le débat s'ouvrait alors sur "le monde d'après". En particulier :

  • Le télétravail allait-il perdurer ?
  • Et en matière d'exode urbain, y aurait-il un avant et un après Covid-19 ?

Exode urbain ou pas, que disent les dernières données officielles ?

Le 28 décembre 2023, l'INSEE a publié les données de population au 1er janvier 2021. Oui, le processus nécessite presque 2 ans...

Parmi ces informations officielles, je me suis intéressé aux taux de variation annuelle de la population selon le type d'espace :

  • urbain densément peuplé,
  • urbain de densité intermédiaire,
  • rural sous influence des pôles d'emploi,
  • rural hors influence d'un pôle d'emploi.
Malheureusement, on ne peut pas comparer les données d'année en année. On ne dispose que de taux de variation annuelle moyens, sur la période 2015-2021 et sur la période précédente (2010-2015).

Certes, comme l'indique le titre de la publication, "la croissance démographique est deux fois plus élevée dans l’espace urbain que dans le rural".

Mais que nous apprennent ces données si l'on regarde plus en détails ? Et notamment si l'on distingue solde naturel (différence entre naissances et décès) et solde migratoire (différence entre les installations - arrivées sur un territoire - et les déménagements - départs à l'extérieur de celui-ci) ?

  1. La population urbaine augmente (+ 0,4 %/an), mais uniquement grâce au solde naturel positif (naissances > décès).
  2. Les zones urbaines densément peuplées sont les seules qui ont un solde migratoire négatif (entrées < sorties). Sur l'ensemble des zones urbaines (densément peuplées et densité intermédiaire), le solde migratoire est nul.
  3. Les zones urbaines de densité intermédiaire et les zones rurales ont un solde migratoire positif, sans grand changement par rapport à la période précédente (2010-2015). L'exode urbain est durable mais son ampleur reste limitée.
  4. Le changement le plus significatif par rapport à la période antérieure est la baisse du solde naturel en milieu rural. Ce solde est nul dans les zones sous influence des pôles d'emploi. Mais il représente une baisse moyenne de 0,5 %/an de la population dans les zones rurales hors influence d'un pôle d'emploi, pas entièrement compensé par un solde migratoire positif (+ 0,4 %/an).

Effet télétravail sur l'exode urbain : encore trop tôt pour savoir

Finalement, les dernières données de population fournies par l'INSEE ne sont pas très surprenantes en terme d'équilibres entre zones urbaines et zones rurales.

On peut sans doute y voir la traduction des tendances suivantes :

  • La population adulte en âge de travailler délaisse les zones rurales éloignées des pôles d'emploi.
  • Les jeunes actifs préfèrent les villes.
  • L'exode se fait probablement de proche en proche : des villes densément peuplées vers celles de densité intermédiaire (autour de la naissance du premier enfant peut-être), de ces dernières vers les zones rurales proches des pôles d'emploi (souvent après que les enfants aient quitté le domicile parental), et enfin de ces zones rurales vers d'autres plus reculées (notamment à la retraite).

Ces tendances ne sont pas nouvelles. En tout cas, l'ampleur des migrations entre les quatre types de zones de vie considérés reste très stable, en taux annuel moyen, entre la période 2010-2015 et la période 2015-2021.

S'il y a un lien avec le télétravail, ce que ces données reflètent, c'est une lente progression du télétravail sur la précédente décennie, qui contribue de manière plus ou moins significative à ces migrations des zones plus denses vers les zones moins denses.

Ce qui est sûr, c'est qu'en distendant le lien entre zone de vie et zone d'emploi, le télétravail ne peut que faciliter ces migrations, pour une grande partie de la population active. Et il le faciliterait d'autant plus si la modalité proxitravail était davantage mise en œuvre, en complément du télétravail à domicile.

En conclusion

Oui, depuis de nombreuses années déjà, il y a bien un phénomène persistant d'exode des populations vers des zones moins densément peuplées.

Mais pour vérifier l'impact de l'essor accéléré du télétravail après la grande pandémie, sur la base de ces données INSEE, il faudra sans doute attendre encore deux ans au moins. Nous disposerons alors des données de la population au 1er janvier 2023, année qui marque le début de l'ère post-crise sanitaire.